Pour conclure ce travail, nullement exhaustif, il est important de le faire sur
une perspective des nouveaux rôles à jouer par le FMI et d’autres
institutions supra-gouvernementales, telles la BRI et la Banque Centrale. En effet,
la consolidation du système financier international dépend et passe,
certes, par des actions conjointes des gouvernements nationaux, mais surtout par
les organisations internationales susceptibles de coordonner et d’appliquer
toutes les décisions collectives concernant les politiques économiques,
mais aussi les actions humanitaires…
Jusqu’à présent, nous avons étudié les différentes
politiques prudentielles et préventives à mettre en place afin
de réduire les instabilités sur les marchés financiers.
Il convient à présent de savoir si les mesures appliquées
par le FMI, grand coordinateur des politiques économiques nationales,
pendant le déroulement des crises se sont avérées efficaces
et d’analyser sa place et ses nouveaux rôles à jouer sur
l’échiquier de la finance internationale.
L’intervention récente du FMI en Asie du sud-est a suscité
de vives critiques à son encontre : des auteurs n’ont d’ailleurs
pas hésité à le qualifier de pompier pyromane[1], d’institution
inefficace, dépassée et inutile[2]. Aussi, avant de tirer quelconque
conclusion, il est utile d’étudier en quoi ces propos bien amères
sont fondés ou non, et surtout de voir quelles solutions concernant la
gestion des crises pourraient être apportées.
Le statut du FMI. C’est en 1944 que la création du FMI , de la
Banque Centrale et de l’OMC d’aujourd’hui, a eu lieu pour
reconstruire le système économique international, dont l’effondrement
avait contribué à déclencher la crise de 1929 et la seconde
guerre mondiale.
Les objectifs premiers du FMI, tels qu’ils figurent à l’article
I des Statuts, sont les suivants[3] :
- Promouvoir la coopération monétaire internationale au moyen
d’une institution permanente fournissant un mécanisme de consultation
et de collaboration en ce qui concerne les problèmes monétaires
internationaux.
- Faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce
international et contribuer ainsi à l’instauration et au maintien
de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel.
- Promouvoir la stabilité des changes, maintenir entre les États
membres des régimes de change ordonnés et éviter les dépréciations
concurrentielles des changes.
- Aider à établir un système multilatéral de règlements
des transactions courantes entre les États membres et à éliminer
les restrictions de change qui entravent le développement du commerce
international.
- Donner confiance aux États membres en mettant les ressources générales
du Fonds temporairement à leur disposition moyennant des garanties adéquates,
leur fournissant ainsi les possibilités de corriger les déséquilibres
de leur balance des paiements sans recourir à des mesures préjudiciables
à la prospérité nationale ou internationale.
- Conformément à ce qui précède, abréger
la durée et réduire l’ampleur des déséquilibres
des balances des paiements des États membres.
Aujourd’hui, le FMI comporte 182 pays membres (44 à sa création)
et son rôle relève malgrè tout de la surveillance. Il promouvoit
également la transparence des informations véhiculées par
les pays membres, et, surtout depuis la crise mexicaine, s’intéresse
à la solidité de leur système financier et au caractère
soutenable de leurs entrées de capitaux privés. Ainsi, le FMI
tente principalement de prévenir et d’éviter les crises.
Cependant, comme nous l’avons remarqué, cet objectif échoue
quelques fois, et son rôle devient ensuite de gérer au mieux la
gestion de sortie de crise, ainsi que la limitation de ses impacts systémiques.
Les récentes difficultés rencontrées. L’exemple
de la dernière crise asiatique remet fortement en question le rôle
du FMI dans la prévention efficace des crises. En effet, comme nous l’avons
déjà souligné maintes fois, aucun signal d’alarme
n’a été tiré sur la situation asiatique à
l’exception d’un appel à une réforme du secteur financier.
C’est ainsi cette sous-estimation de la profondeur de la crise, au Japon
notamment, et de certains mécanismes de la contagion de la crise qui
relativise l’efficience du FMI. En effet, certains problèmes se
posent quant au bon déroulement des objectifs de prévention des
crises :
- Le premier est relatif à la qualité et à la fiabilité
des données concernant chaque pays[4] ;
- Le second concerne la disponibilité effective des données,
en effet une partie de celles-ci est détenue par le secteur privé,
et n’est donc pas immédiatement divulguée ;
- Le troisième est lié à l’interprétation
des informations qui ne permet en général pas de prévenir
à temps tous les dérapages ;
- Enfin, le dernier est relatif aux anticipations des acteurs sur les marchés
par rapport aux informations, et celui-ci s’avère ainsi extrêmement
difficile à contrer…
Le rôle du FMI s’apparent ainsi beaucoup à celui des banques
centrales, puisque celui-ci se retrouve confronté au dilemme de : soit
divulguer une information au risque d’engendrer un mouvement de panique
sur les marchés, soit la cacher ou la rendre plus optimiste afin de maintenir
la confiance des investisseurs avec les risques qui s’en suivent…
Ainsi, pour certains auteurs, et notamment Feldstein (1998), le FMI, en divulguant
certaines informations concernant son rôle de prêteur en dernier
ressort (problème de l’aléa moral), aurait délibérément
jeté de l’huile dans le feu dans le cas de la crise asiatique.
Un autre niveau de critique concerne cette fois-ci la surveillance et la conditionnalité
imposées par le FMI. En effet, le Fond propose, en contrepartie des ressources
mises à la disposition des États, d’une part des mesures
macroéconomiques de stabilisation[5] (les politiques macroéconomiques
trop laxistes sont jugées aux sources des différentes crises),
et d’autre part des politiques structurelles visant la mise en place d’un
système plus concurrentiel[6] (les structures économiques financières
ou politiques sont également considérées comme prémices
principales du déclenchement d’une crise). Aussi, les crises étant
considérées comme fondamentalement différentes par certains
économistes (Sachs, 1997), on ne peut appliquer les mêmes politiques
aux différents pays.
Les nouvelles perspectives. Nous pouvons regrouper sous trois catégories
les différentes propositions ou mesures qui sont susceptibles d’augmenter
l’efficacité dans la gestion des crises :
- les mesures qui visent à une révision des modalités
d’intervention du FMI : ces propositions consistent dans le changement
de la forme de l’intervention pour éviter le problème de
l’aléa moral (par exemple, la conditionnalité doit être
révisée, les informations doivent insister sur les forces et non
sur les faiblesses des pays, etc.) et dans son contenu (application de taux
différenciés suivant les risques propres à chaque pays,
proposition de politiques de change adaptées, abandon des velléités
du rôle de prêteur en dernier ressort, etc.) ;
- les mesures qui consistent à confier une partie des objectifs à
d’autres organisations internationales : c’est ainsi que la Banque
des Règlements internationaux, gérée par les seules banques
centrales, pourrait jouer un rôle plus important dans l’organisation
de la coordination des politiques monétaires et financière internationale.
La création d’un « Observatoire du risque systémique
» au sein de la BRI pourrait ainsi s’avérer concluant pour
dissuader les spéculateurs et constituer un garde-fous efficace (Aglietta,
1998). Cet Observatoire aurait comme objectifs de comprendre et d’analyser
les mécanismes de la finance moderne, d’appliquer les normes prudentielles
adéquates, et d’assister les banques centrales dans leurs décisions
d’intervention en dernier ressort (rôles que le FMI ne peut utiliser
de façon rapide car il est contraint par l’autorisation de ses
membres) ;
- les mesures, plus radicales, relatives à une rupture avec la philosophie
actuelle du FMI : ici, de nouvelles politiques sont envisagées et concernent
le renforcement de la crédibilité de l’État en coupant
provisoirement le pays des marchés financiers internationaux et en restaurant
leur secteur bancaire. De plus, une limite à la libéralisation
financière ou une re-réglementation, comme le contrôle des
capitaux ou la taxe sur les transactions de change, pourrait être appliquée
à certains pays ou groupes de pays.
Toutes ces propositions semblent relativement utopiques et peut-être
pour certains outrecuidantes, cependant, elles ne doivent pas être écartées
trop rapidement et considérées comme inapplicables, mais plutôt
analysées et améliorées…
Les louanges et les bienfaits de la libéralisation financière
ne semblent plus d’actualité, néanmoins, ce constat mérite-t-il
réellement un retour en arrière vers un système plus strict
et plus rigide ?
[1] J.Sachs, FMI : le pompier pyromane, Politique Internationale (p. 9-23),
1998.
[2] M.S.Feldstein, Refocusing the IMF, Foriegn Affairs (p. 20-33), mars-avril
1998.
[3] S.Fischer, La crise asiatique et l’évolution du rôle
du FMI, Finance et Développement, juin 1998.
[4] La thaîlande a notamment fourni des informations relatives au montant
brut de ses réserves en devises qui se sont avérées éronnées
car la plus grande partie de ses réserves avait été vendue
sur le marché à terme…
[5] Par exemple, la hausse des impôts, la baisse des dépenses publiques,
la hausse des taux d’intérêt.
[6] Par exemple, la libéralisation financière, la fermeture des
banques insolvables, le recul de l’Etat via les privatisations.
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