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Amour, Hasard et Autres Souvenirs...


23


Adonis était toujours devant sa feuille de papier.
Lorsqu’il avait entendu la sonnette et qu’il s’était alors penché par-dessus le rebord de la fenêtre, des effluves de songes opaques l’avaient alors submergé. Lorsqu’il s’aperçut soudain quelle femme était venue le voir, il fut pris de soudaines réminiscences. Etait-ce une illusion ? Une femme vêtue des mêmes vêtements que l’héroïne du livre qu’il tentait d’écrire et de tous les galimatias qui l’accompagnaient.
Comment arriver à savoir ce qui nous offusque le plus promptement dans l’uniformité de la raison ? Fût-ce une coïncidence : une personne vêtue de rouge aurait pu se tromper de sonnette, et lui, aurait très bien pu choisir le bleu comme couleur de jupe...

24


- Pourquoi n’as tu pas mis la jupe bleue que je t’avais offerte le jour de ton anniversaire ? prononça Alexandre sur un ton affable et naturel.
- Je ne sais pas trop au juste, j’ai mis celle-ci par pur hasard, répondit Juliette qui se sentait enfin revivre face au silence environnant leur relation présente.
Elle ne pouvait pleinement vivre lorsque Alexandre ne parlait pas ou ne laissait entrevoir aucun geste d’affection à son encontre. Or, cela faisait près de dix minutes qu’ils ne s’étaient pas adressés la parole.
Alexandre et Juliette aimaient se promener au hasard des méandres de la vie. Ils aimaient errer au travers des rues, ou des campagnes, des montagnes, des mélodieuses peintures bucoliques qui accompagnaient chaque mouvement de leur vie commune.
Arrivés au bas du Mont, Alexandre eut une soudaine réminiscence qui le poussa à se poser un certain nombre de questions auxquelles il était certainement impossible de répondre fortuitement.
- Juliette, j’ai soudain un désagréable sentiment qui m’est passé par l’esprit ? Cela gâche mes bonnes pensées, tellement merveilleuses lorsque nous sommes ensemble. Je crois que j’ai peur. J’ai peur mais je ne sais pas exactement de quoi...
- Moi aussi j’ai peur. Mais je trouve la force de lutter dans l’espoir et dans l’amour. Lorsque j’étais enfant, il m’arrivait souvent d’éprouver certaines mélancolies et nostalgies. Aussi, il me suffisait de penser fortement à la beauté de chaque fait et geste de ce qui nous entoure, et de la chance que nous avons à pouvoir espérer quelque chose pour que toute idée néfaste s’en aille aussi vite qu’elle n’ést arrivée.
Lorsque Juliette avait prononcé ces douces paroles de son ton tellement naïf, Alexandre ne put retenir une larme qui s’échappa des ses yeux. Il était très éprouvé ces jours-ci, et le moindre désenchantement du monde le faisait atrocement souffrir.
Alexandre était de ces personnages qui éprouvaient de réelles douleurs lorsqu’ils faisaient face aux tristesses du monde. Il n’arrivait pas à s’immerger pleinement dans la souffrance des autres, non qu’il en fût totalement incapable, mais parce qu’il préférait rester à l’écart de toutes les atrocités afin d’en n’être pas trop imprégné et surtout pour ne pas souffrir de trop.
Souvent ses collègues scientifiques le lui reprochaient en lui affirmant qu’il était simplement égoïste. Il répondait souvent que cela n’était pas de sa faute et qu’il aurait tellement préféré être moins « sentimental » et pouvoir s’occuper des gens qui en avaient besoin. Cependant, il n’arrivait pas à trouver la force pour cela.
C’est Juliette qui lui apporta quelques bribes de compassion. C’est elle qui lui prouva qu’il était possible de le guérir du terrible mal qui l’habitait. C’est elle qui lui fit comprendre que la solitude n’était pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d’acquérir l’altruisme nécessaire pour évoluer dans les valeurs mouvantes et chimériques de la société.
- Si tu préfères, nous pourrons revenir demain. Tu te sentiras peut-être mieux. Et aujourd’hui, nous l’occuperons à voler dans les airs. Tu te rappelles lorsque je t’ai emmené sur le tapis volant de cette vieille gitane pour explorer les tréfonds du firmament ?
- Juliette, je suis terriblement désolé, mais il faut que l’on rentre. Je ne me sens pas très bien.
Juliette avait remarqué avec quelle intonation Alexandre avait balbutié ces dernières paroles. Elle avait remarqué que son teint était devenu soudainement pâle.
Elle le prit, comme elle le put, sur ses fines épaules dénudées et le reconduisit au havre de paix qu’était leur demeure.


25


Adonis n’arrivait pas à se rendre compte de ce qui lui arrivait ces moments-ci. Sa tête lui paraissait lourde. Son corps était invisible. Son âme était chahutée par des altercations soudaines de faits vécus et vivants.
Etait-ce Sarah qui lui procurait tout ce désordre mental, ou ses brefs souvenirs d’une femme aimée et ancrée dans les profondeurs de son cœur ? Il savait très bien la réponse mais ne pouvait l’admettre et se la formuler exhaustivement.
Sarah était-elle comme cette femme russe ?
Toutes ces confusions aboutirent aux souvenirs qu’il gardait au plus profond de son cœur.
Il se souvenait ce qu’il avait fait une fois qu’il était sorti du bureau de cette femme qui paraissait incarnée une déesse.
A peine s’était-il trouvé dans la rue qu’il sétait mis à courir. Ses pensées se succédaient à la vitesse de ses pas. Et plus il courait et plus ses sentiments pour elle augmentaient.
« Lorsque cette douce et maternelle femme m’approcha,
C’est cette langueur approximative qui me délecta,
Point de tristesse n’est nécessaire pour lutter contre ces faits,
Je demeurerai amoureux d’une déesse à jamais ».
Il ne cessait de se morfondre devant tant d’impuissance à maîtriser ses idées et ses agissements. Il ne pouvait arrêter toutes les pensées qui l’assaillaient de toute part. Celles-ci défilaient trop vite pour qu’il arrive à en sair une et rebondissaient sans cesse les unes contre les autres. A chaque collision, une énergie se dégageait en créant au fur et à mesure ce qu’il aurait pu appeler l’amour.
Lorsqu’il fut arrivé sans s’en rendre vraiment compte sur les bords de la falaise, il fut amené à reprendre conscience du lieu et du moment dans lesquels il se trouvait.
Au bas de la jetée, l’océan grondait d’une grave musique. L’eau se jetant sur les rochers lui procura un anodin sentiment de bien-être. Pour lui, à ce moment précis, il était possible de transformer n’importe quelle mièvrerie en délicate aménité.
Mais il dut reprendre ses esprits, perdant pour toujours ces quelques rêves courageux qu’il venait d’imaginer, et fit demi-tour vers ce havre de piété duquel il avait fui instamment, sous le joug de l’impuissance.
Lorsqu’il fut arrivé, il attendit sur un banc en face de l’agence, tournant le dos à un magnifique parc fleuri, et tenta de lire le livre qu’il avait commençait la veille – Les Possédés – mais dut se contenter d’apercevoir les quelques mots qu’il lisait sans en saisir ni le sens ni la portée. Son éreintement était au paroxysme et son courage lui échappait inexorablement.
C’est alors qu’elle surgit derrière lui.
- Tout à l’heure je voulais encore vous dire quelque chose, mais vous êtes parti un peu trop vite pour que je puisse le faire.
Adonis dut se ressaisir à plusieurs reprises. Il était complètement stupéfait et choqué qu’elle l’eût surpris de cette façon. Il s’attendait à la voir arriver face à lui et s’était d’ailleurs préparé à cette éventualité. Mais la voir surgir sans qu’il ne s’en aperçût lui ôta complètement ses moyens.
- Je…je voulais m’excuser pour tout à l’heure… Je sais… je sais que cela ne se fait pas de partir comme cela. Mais…mais je n’y tenais plus.
Adonis avait prononcé ces paroles d’un ton affligé. Il se sentait honteux et n’arrivait à se défaire de ce sentiment de culpabilité. Une nouvelle fois, elle s’en était aperçu et pour casser une bonne fois pour toutes ce lourd mur de silence instauré ente eux, elle lui proposa d’aller boire un verre chez elle. Il lui inspirait de l’innocence, ce jeune homme ressemblait tellement à un enfant…
- Je vois que vous vous sentez mal à l’aise. Je ne sais pas si c’est parce que vous êtes timide ou si c’est à cause de moi… En tous les cas, vous m’inspirez beaucoup de confiance. C’est pourquoi je vous propose de venir boire un verre chez moi. Ce n’est pas très loin. Et nous pourrons nous entretenir à propos de votre recherche d’emplois. J’en ai parlé à des collègues, et justement, il y aurait peut-être quelque chose susceptible de vous intéresser.
Adonis était pris par ses émotions. Il ne sut quoi répondre. Il ne fit qu’un signe pour acquiescer.


26


Le ciel était tapi d’amertume. Tout aux alentours sentait la déférence du parfum de la nuit.
Jean se sentait à présent épuisé par ses longues heures de marche. A sa fatigue physique venait s’ajouter une fatigue morale. Il commençait à se poser beaucoup plus de questions qu’il n’était vraiment capable d’en imaginer.
« Cela fait des jours que je marche et aucun signe positif ne m’est apparu. Me suis-je donc trompé de chemin ? Pourtant j’étais tellement persuadé que celui que j’avais emprunté était le bon. Celui qui m’avait été attribué par je ne sais quelle divinité ou par un heureux hasard. Peut-être est-ce elle qui m’attire vers elle ? Peut-être suis-je en réalité sur la bonne route ? ».
Il préféra s’arrêter et recouvrait un peu de raison qui lui avait fait défaut en chemin. Il se sentait devenir fou. Il commençait à perdre de vue ce pourquoi il était venu jusqu’ici. Soudain, une pâle lueur apparut dans son esprit. C’était Perséphone. Il reprit alors conscience de ce qu’il était. Ce pauvre homme lâché quelque part, cet homme dépourvu de liberté, hormis celle qui lui avait été attribuée : l’amour de trouver Perséphone, de la délivrer des souffrances éternelles de l’oubli et de la nostalgie…


27


Le lendemain, Alexandre se réveilla sans pleinement saisir ce qui lui était arrivé la veille. Ce fut Juliette qui l’éclaira de certaines circonstances qu’il avait omises.
Dans cette chambre où tout semblait figé et immobile à jamais, où chaque senteur de fleur se mouvait dans un cycle ininterrompu de douceurs suivant les va-et-vient de Juliette, Alexandre se sentait terriblement las mais parvenait tout de même à entr’apercevoir les frontières du bonheur. Elles étaient juste devant lui, mais la force lui manquait terriblement pour les franchir.
Il s’était toujours senti en parfaite osmose avec Juliette et chaque jour, chaque heure, chaque minute, il aurait tellement voulu que le temps ne s’arrêtât quelques instants afin qu’il puisse reprendre son souffle et se ressaisir. Sa rationalité le poussait à vouloir se rendre compte objectivement de ce qui lui arrivait. Cependant, ce bref arrêt du temps ne se produisant pas, il était envoûté et forcé de se laisser bercer par les supplices veloutés de son amour pour Juliette.
Alexandre avait l’impression de lire sa vie dans un livre, ou plutôt vivre sa vie dans un livre. Tout lui semblait un songe, un ineffable rêve qui jalonnait son existence. Juliette était tellement belle. Elle était tellement gentille et attentionnée. Elle était tellement parfaite et irréelle.
Il aimait contempler ses gestes. Même les plus anodins lui semblaient féeriques. Sa beauté semblait prendre forme dans chaque accoutumance des faits quotidiens. La lumière des gestes de Juliette lui provoquait cette inépuisable chaleur révérencielle qui le poussait souvent à retrouver son calme.
- Tu as dormi plus longtemps que la Lune. Ce matin, comme je n’osais pas te réveiller de ton profond sommeil, je suis allée seule voir mon père et je lui ai annoncé que nous envisagions de nous marier. J’espère que tu ne m’en veux pas trop de m’y être rendue sans toi. Mais il fallait te voir ! Tu dormais tellement bien que je n’ai pas osé te réveiller. Même un torrent de pluie ou une cascade de soleil n’auraient pu approcher la lueur de ton sommeil !
Alexandre ne lui en voulait pas. Au contraire, il avait toujours éprouvé une réticence profonde lorsqu’il devait rencontrer le père de Juliette. Il n’appréciait en fait guère les coutumes de la politesse car il pensait que celles-ci n’étaient en fait qu’un artefact des relations humaines. Elles les dénaturaient complètement par le biais des fausses paroles non sincères mais obligées, et elles semaient une ironie et un trouble entre les personnes corrompues par les règles de bienséance.


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Adonis, qui tentait quelquefois d’écrire lorsque ses nostalgies cessaient quelques temps de le posséder, éprouvait une envie irrésistible de se rendre chez Sarah. Il désirait la rencontrer à la fois pour se rendre compte que sa liaison d’antan ne pouvait plus rien face à l’enchaînement des faits actuels, et surtout pour s’excuser auprès d’elle de s’être comporté de la sorte. Il avait horreur que l’on pense de lui une quelconque idée qui ait pu lui échapper.
Cependant il se sentait toujours las face au déferlement de ses souvenirs dont il n’arrivait ni à ralentir et ni à arrêter le train. C’était la seconde fois qu’il n’arrivait pas à contrôler ses pensées qui le guidaient à présent sans qu’il eût une quelconque emprise sur elles.
La première fois s’était déroulée lorsque lui et cette jolie femme russe se rendaient chez elle. Cette fois-là se démarquait cependant de l’autre, car ce n’était pas alors des souvenirs qui venaient le tourmenter mais bel et bien les faits qui se déroulaient inexorablement devant lui sans qu’il s’en rendît vraiment compte. C’est en fait le souvenir de ceux-ci, ou ce qu’il en restait, qui pouvaient témoigner de ce qui lui était arrivé durant cette période de sa vie.
Il marchait alors aux côtés de la jeune femme. Elle l’entretenait des plausibles offres de travail qui étaient susceptibles de l’intéresser. Cependant, il ne saisissait pas pleinement ce qu’elle lui disait, tout comme dans l’agence quelque temps plus tôt.
Arrivés chez elle, une simple maison mitoyenne, un jardinet empli de fleurs, de narcisses, de violettes et de coquelicots, elle lui proposa d’entrer :
- Mon mari n’est pas encore arrivé. Je tiens à ce que vous le rencontriez. C’est peut-être lui qui peut plus pour vous que moi. Il doit rentrer dans quelques instants.
- J’en doute fortement, avait-il proféré d’une voix diaphane émanant de son corps sans qu’il en ait vraiment conscience.
Elle le fit alors entrer et il fut émerveillé par le caractère inhabituel de la décoration. L’entrée était un court couloir qui menait directement dans le salon. Celui-ci était jonché lui-même de fleurs et de plantes. Tous les meubles étaient de bois bruts d’où émanait encore la douce odeur des forêts, le parquet était lui aussi en bois, et craquait en grinçant à chaque pas osant perturber la délicate satiété du lieu. Une bibliothèque entièrement recouverte de livres reliés, d’auteurs tous différents les uns des autres, venait mettre le point d’orgue à l’architecture de cette pièce.
Adonis ne savait plus comment se comporter. Son ivresse venait à ce point l’envoûter qu’aucun mot n’était devenu capable de décrire fidèlement sa situation. Que lui arrivait-il ? Pourquoi cette femme l’envoûtait-elle à ce point ?
Ce n’est qu’après un premier verre qu’Adonis put enfin reprendre quelque force sur lui-même.
- Ecoutez, balbutia-t-il dans un premier temps, je ne sais vraiment plus ce que je fais là. Je suis terriblement mal à l’aise et je pense que ma place n’est actuellement pas ici, continua-t-il d’un ton devenu plus volubile, comme si ses paroles n’attendaient qu’une chose : s’évader.
- Ecoutez, lui répondit-elle sans qu’une humeur de temps ne puisse séparer ses propos des siens, si je vous ai invité, c’est pour que vous sentiez que vous m’étiez sympathique et pour que vous vous sentiez mieux, loin des tracas des conventions administratives.
Cependant Adonis se sentait tellement fatigué. Il but alors un second verre. Et c’est alors qu’arriva le mari.


29


Alexandre ne croyait pas plus au mariage qu’aux licornes. Aussi, un jour qu’il se promenait avec Juliette au tréfonds d’une montagne, à la lisière d’une forêt verdie par la beauté des sapins et des cyprès, dans un champs recouvert par la beauté éphémère de la nature, un petit groupe de licornes se reposait tandis qu’un autre errait dans le pâturage. Elles étaient paisibles et heureuses, ne se souciant que du bonheur des autres.
C’est pourquoi le mariage revêtait une certaine connotation ambiguë chez Alexandre.
En tous les cas, il savait une seule chose bien arrêtée. C’est qu’il aimait Juliette bien qu’il ne sache vraiment pas lui-même ce qu’était réellement l’amour, si tantôt celui-ci existât vraiment.
Alexandre ne désirait qu’une seule chose : que Juliette se sente bien et heureuse avec lui. Ensuite, peu lui importait comment et de quelle façon il fallait que leur couple évolue.
C’est Juliette qui avait projeté la première l’idée de mariage. Elle pensait sincèrement que c’était l’unique façon pour qu’un couple s’épanouisse pleinement, tant à leurs propres yeux qu’aux yeux de ceux qui avaient daigné nous créer.
La cérémonie était fixée pour dans 6 jours. Alexandre et Juliette avaient pris quelques vacances pour se préparer à l’événement.
Juliette semblait beaucoup plus sereine et décontractée qu’Alexandre. En fait, il était soucieux sur certains points de son existence. Il semblait que sa vie le dépassait, allait beaucoup plus vite que la musique de ses décisions. Il ne pouvait plus que réaliser et se rendre compte de certains points de son existence. Tout semblait être écrit sur un long rouleau métaphysique et divin. Lui, il ne pourrait à jamais qu’observer ses préposés agissements, les accepter, les contredire, les améliorer, les regretter ou les oublier. Telle était pour lui la définition de la liberté. Accepter ou oublier.
Juliette était heureuse. Son visage rayonnait de beauté et d’allégresse. Tout resplendissait et sentait le bonheur chez elle. Que ce soient ses cheveux, ses clairs yeux bleus, son visage oblong, son sourire fantasque ou ses doigts de la main.
Il n’y avait aucun jour qui pouvait lui ôter cette joie de vivre, cette passion d’exister, ce bonheur d’aimer. Personne n’arrivait par sa méchanceté vengeresse ou gratuite à la toucher. Elle semblait au-dessus de toute la haine environnante. Elle était intouchable. A l’image des dieux, elle était inapprochable par n’importe quel esprit chargé de rancœur ou d’indélicatesse. Elle s’était dévouée à son sauveur, à l’être qui était devenu pour elle l’essence de sa vie par son innocence et sa sensibilité. Alexandre avait été l’élu de cette déesse.
Partout où se rendait Juliette se propageait un climat de confiance et d’humanisme. Les alentours tombaient sous son charme et dans l’obédience. Souvent lorsqu’elle se rendait faire ses provisions au marché, tout le monde la suivait sans savoir exactement pourquoi, comme ivre, comme envoûté par une beauté tacite et inconsciente d’une femme incolore. Tout le monde la suivait frappé par l’allégeance et la légéreté. Et elle ne s’en rendait même pas compte tellement pour elle, cela coulait de source. Tout sentait la paisibilité. Les fruits et les légumes mêmes étaient submergés par l’allégresse de Juliette. Des senteurs et des parfums se dégageaient des bacs des marchands. Les oiseaux eux-mêmes profitaient pour ainsi dire de l’ivresse provoquée par chaque pas, chaque mouvement, chaque geste, chaque parole de Juliette. Les fruits verts devenaient murs. Les fraises devenaient sauvages.
Ses habits étaient à chaque moment du jour pris dans une douce brise qui rafraîchissait l’humanité tout entière. Tant d’insouciance et de bonté naïve cohabitaient dans une totale déférence à tel point que chaque personne était, en la croisant, incapable de se laisser submerger par une quelconque bassesse de l’esprit. Au contraire, chaque personne se laissait enchanter et envoûter par tant de volupté invisible mais tellement touchante. La nature semblait elle-même charmée.
Le premier jour du printemps, Juliette mettait sa plus jolie robe d’alors et aimait courir dans les champs verts d’attente cérémonieuse. C’est alors que chaque fleur, chaque feuille d’arbre, chaque brin d’herbe se décidaient à naître et à bourgeonner, oubliant la tristesse de l’hiver et ses portraits de faïence laiteuse et diaphane.
La beauté de Juliette résidait dans son charme et son allure. Les plus belles femmes, jugées comme telles, auraient été jalouses d’elle si elles avaient pu s’en apercevoir…


30


Adonis n’eut le temps de se lever pour se présenter. Son cœur battait la chamade. Il finit finalement par se présenter. Mais cet homme ne semblait guère s’en affliger. Il était grand, sombre et paraissait terriblement fatigué, de cette fatigue qui peut changer le visage innocent d’un enfant en un être maléfique…
Il ne répondit que subrepticement à Adonis, et c’est Elle qui continua les présentations. Il finit par annoncer qu’il était ce soir-là vaguement épuisé et qu’il n’avait la forxce et l’humanité de s’entretenir sur le cas d’Adonis.
Adonis annonça au creux d’une brève lueur de clarté qu’il avait à présent l’intention de se retirer. Cependant, elle lui opposa diverses raisons face auxquelles il ne devait et pouvait s’affranchir.
Il resta alors assis face à elle. Son mari les avait laissés pour aller se coucher.
Toute la discussion demeurait tournée vers l’avenir incertain d’Adonis. Avenir était peut-être un bien grand mot. L’avenir est tellement opaque et flou qu’il ne peut être employé par inadvertance. Même le futur demande quelques attentions, seul le passé n’a de cesse devant les considérations. Le reste n’est que plausibilité, tergiversations, brassage d’air.
Ils s’étaient finalement entendus pour se revoir le jour suivant pour étudier les opportunités professionnelles susceptibles de s’offrir à Adonis. Elle parlerait de lui à son mari qui pourrait peut-être l’aidé en parlant de ses compétences à ses collègues de l’université.
Adonis se retira avec son trac et ses sentiments cachés, et elle, avec le plaisir d’avoir pu offrir son aide à quelqu’un. Et la page était à jamais tournée.


31


Le lendemain, Adonis arriva plutôt qu’il n’était prévu. Toute sa nuit n’avait été pour lui qu’un vulgaire moment d’attente, où le cœur bat trop vite et trop fort pour que le pouvoir du sommeil puisse agir à sa guise.
Il n’avait arrêté de se tourner et se retourner dans son lit devenu trop grand d’incertitude pour qu’il puisse s’endormir confortablement. Il n’avait cessé de penser à tous les moments qu’il avait vécu ou cru avoir vécu durant cette journée. Il regrettait amèrement son comportement d’alors. Il s’était par la suite donné quelques lignes directrices positives à suivre pour que le lendemain se déroulât plus convenablement et pour que lui-même ne fût pas souvent amené à recommencer les derniers agissements néfastes à la linéarité de son existence. Il avait ainsi ressassé chaque recoin de ses souvenirs accumulés. Chaque détail devenait pour lui une véritable embuscade de soucis. Il pensait, réfléchissait et s’attarder sur divers points, mais il finissait toujours par recommencer les mêmes réminiscences, quelques fois exactement dans la même vision, et d’autre fois sur une autre dimension parallèle. Il se disait alors en son for intérieur qu’il avait fait le tour de la chose et qu’il fallait à présent s’endormir. Mais dès qu’il fermait les yeux, les souvenirs l’assaillaient en tout point et c’était la spirale qui recommençait.
Les souvenirs peuvent parfois gouverner et faire de leur disciple de véritable néophyte. On devient alors l’esclave du fluide des souvenirs, qu’ils soient torrentueux ou plus calmes.
Il se sentait fatigué, non pas à cause de sa nuit d’insomnie, mais plutôt à cause de son appréhension de faire quelque chose de mal. Cependant, lorsqu’elle arriva, toutes les choses auxquelles il avait pensées au cours de sa nuit blanche avaient disparu et s’étaient soudainement envolées et évaporées dans les airs sans que lui-même n’ait eu vraiment le temps de s’en rendre compte.
- Vous êtes bien matinal aujourd’hui Adonis. Cela prouve au moins que vous vous souciez vivement de votre avenir. Il n’est d’ailleurs pas donné à tout le monde d’être aussi ponctuel. D’ailleurs pour moi-même, il m’arrive souvent de me laisser emporter par la vitesse du temps, du moins de la sous-estimer par rapport à ce qu’elle est vraiment. Mais bon. Avez-vous au moins bien dormi ?
Adonis hésita longtemps avant de répondre. Il cherchait ses mots, mesurant la force que chacun pourrait prendre en fonction de la difficulté qu’il aurait à les prononcer. Il répondit toutefois : « je ne sais pas ».
Cette femme était belle à en faire pâlir les plus belles russes du dix-neuvième siècle. Elle avait l’élégance des aristocrates, la prestance d’une femme mure et la naïveté tacite d’une jeune fille. Son visage inspirait la confiance et ses joues rosées par la fraîcheur matinale vous persuadaient que cette femme était tout aussi charmante et éphémère qu’une aurore boréale.
Jean ne croyait qu’à moitié à ce qui lui arrivait. En réalité, il venait voir à présent cette femme uniquement pour la contempler, l’admirer et l’apprécier dans ses simples gestes quotidiens. Ce qu’elle pouvait lui apporter concernant son avenir professionnel et sa destinée pécuniaire, il n’en avait que faire. Cet avenir-là était considérablement pauvre face à un bref moment passé avec cette femme. L’insignifiance du destin lui apparaissait à son paroxysme. L’argent n’était que broutille, l’avenir incertain et tellement proche… Mais lui ne se doutait de rien ou du moins de peu. L’amour rend aveugle et la mort n’y peut rien…
Ils rentrèrent alors ensemble dans l’agence. Il la suivait sans mot dire. Lorsqu’ils arrivèrent dans son bureau, Adonis se hasarda à lui demander si elle travaillait ici depuis longtemps.
- Je pense que cela doit faire à peu près 6 mois. Je n’ai pas encore trop d’expérience dans ce métier-ci. Mais, je pense que l’expérience professionnelle n’est pas si importante tout compte fait. C’est surtout la faculté à s’adapter à toute situation problématique qui est nécessaire pour travailler de nos jours. L’expérience vient ensuite. Du moins, je dis « expérience » mais je veux en réalité parler de faculté à répéter les mêmes gestes tous les jours, puis tous les mois, et toutes les années.
- Chacun tend vers son incompétence finalement ?
- C’est à peu près cela. Chaque personne oublie dans la morosité de son travail l’enrichissement moral et physique que prêchaient naguère de nombreux ecclésiastiques.
Le bureau fut soudain plongé dans un lourd silence. Le pessimisme faisait son chemin. La table était de plus en plus noire d’insignifiance, et les quelques feuilles de papier posées et errantes malencontreusement demeuraient glacées d’incertain. Même la bibliothèque située juste derrière la belle Russe se targuait d’une pale effigie noirâtre. Les livres posés dessus – qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec le travail qu’elle pratiquait – respiraient et absorbaient la légèreté du silence.
C’est la femme russe qui rompit l’insonore atmosphère en demandant d’un air toujours aussi naïf s’il attendait lui-même quelque chose de la vie. Mais il ne sut quoi répondre, bien que tous les soirs, et surtout la nuit dernière, il essayait d’apporter une quelconque réponse à ce genre de question.
- Je pense moi-même, ajouta-t-elle comme si elle-même essayait de se contenter de cette simple réponse, que l’on ne peut rien attendre de la vie sinon l’amour, et que c’est en réalité la vie qui attend de nous-mêmes et de notre amour.
Adonis médita quelques instants ces belles paroles en se jurant qu’il ne les oublierait jamais. Puis, essayant de rattraper un instant ses émotions, de les contenir et de s’en servir à bon escient, il essaya de détourner cette conversation vers un sujet moins désagréable pour ses pauvres neurones.
- Vous m’avez fait venir ici pour un sujet qui peut certainement m’être utile, prononça-t-il avec quelques difficultés et hésitations. C’était d’ailleurs l’objet de ma venue dans cette agence. Puis il rajouta avec toujours le même ton désagrégé : mais aujourd’hui, je suis venu dans votre bureau pour, en quelques sortes, me confesser auprès de vous. Mais non sur un sujet professionnel, mais, comment pourrait-on dire ? Sur un sujet plus sentimental…
- Alors vous devez certainement frapper à la mauvaise porte. Je suis cependant d’une bonne humeur aujourd’hui. Vous pouvez me raconter ce qui vous passe par le cœur, cela me changera au moins des discussions qui m’attendent aujourd’hui et tout au long des prochaines journées. Mais j’espère que vous ne le ferez pas à tous nos rendez-vous.
- Je vous en remercie. Sachez en tous les cas que cela va être difficile pour moi de vous exposer toutes mes idées. Mais j’espère que vous aurez l’extrême bonté de les admettre et de ne point les oublier.
La jeune femme russe parut surprise, et pour la première fois légèrement troublée. Sa froideur perdait de son intensité face à la chaleur dégagée par le cœur d’Adonis. Etait-ce à cause de quelque chose qui la dépassait ? De quelque chose dont elle n’aurait jamais la moindre emprise ? Adonis s’en était aperçu et s’en servait pour vaincre la terrible pesanteur du trac qui le maintenait dans la servilité de sa timidité.
- Lorsque pour la première fois je vous ai rencontrée, un irrésistible élan d’un sentiment que j’ignorais jusqu’alors, ou du moins que je n’aurais cru si puissant, s’est emparé de moi…
- Je dois malheureusement vous interrompre. Vous parlez à une femme mariée, qui plus est, se trouve dans son lieu de travail...
Elle était manifestement troublée par la tournure que prenait la discussion. Elle aurait certainement voulu que le sujet abordé coupe court, c’est d’ailleurs ce que pensa Adonis, mais parallèlement, elle souhaitait du plus profond de son âme, certainement poussée par l’ivresse de se sentir admirée, que cette discussion continue, un peu, éternellement...
C’est ainsi qu’elle poussa Adonis à continuer en lui soumettant ses excuses de l’avoir inopinément interrompu.
- En fait, ce que je voulais vous dire, ce n’est pas… je n’arrive pas à trouver mes mots, j’en suis désolé…oui… je voulais vous dire qu’à présent mon avenir ne dépend que de vous. Mais nullement sur le point que vous évoquez chaque jour cachée derrière le masque de votre profession…
Il marqua alors une courte pause avant de reprendre avec un semblant de légèreté :
- Certes, je ne suis rien à vos yeux et aux yeux de nombreuses personnes qui me croisent chaque jour dans le voile de l’inconnu et de l’incognito. Mais aujourd’hui, ce rideau, j’aimerais le lever d’entre nous. Trop d’individus se croisent, se regardent, se posent certaines questions sur ce qu’ils viennent de penser. Cependant, la seule chose qui pourra à jamais les offenser ou les offusquer c’est le fait que leur destin, ou un parmi tant d’autres, vient de passer à côté d’eux sans qu’ils ne s’en rendissent réellement compte ou sans qu’ils ne puissent aucunement le rattraper. Pour ma part, ce destin, j’essaie de l’attraper lorsque je sens son souffle sur mon visage. Cette discussion que j’entretiens présentement avec vous est ainsi le seul moyen d’y arriver. J’espère que vous me comprendrez et que vous ne me jugerez point de mon élan de naïveté.
Adonis avait proféré ces quelques paroles d’une façon totalement inédite. Lui-même n’arrivait pas à se convaincre da la volubilité de sa discussion. La femme russe, elle aussi, semblait troublée. Elle avait enfin remarqué ce qui se cachait derrière le visage et les mots d’Adonis. Cette passion tacite, ce sentiment dévoué, cette utopie dangereuse, cette lubie désirable…


32


Le soleil brillait et une douce brise errait en croisant chaque personne capable de la ressentir. Les oiseaux annonçaient l’arrivée prochaine du printemps, les fleurs s’y préparaient déjà…
Alexandre était assis dans son jardin immaculé de fleurs en bouton, chacune impatiente de pouvoir vivre ce qu’elle attendait depuis le début des longs mois d’hiver.
Le soleil commençait sa longue ascension journalière. Ses rayons ne brillaient pas encore assez pour réchauffer l’existence. Il était encore timide dans le flou du réveil.
Alexandre réfléchissait. Juliette dormait encore. Lui, n’avait pu fermé l’œil de la nuit car des pensées ambiguës l’obsédaient continuellement et le trahissaient lorsqu’il essayait de se plonger dans le spectacle uniforme qui s’offrait à ses yeux noircis de fatigue.
Face à lui s’échappait l’horizon montagneux. Les arbres s’étalaient à perte de vue, et la senteur parfumée des sapins jalonnait l’espace dans un voile de blancheur lumineuse.
Cependant, il ne parvenait pas à se concentrer complètement sur ce paysage porteur de beautés idylliques.
Derrière lui se trouvait le salon. Seule une baie vitrée l’en séparait. Il entendit alors les pas de Juliette accompagnés de cette douce musique aux sons langoureux.
Il se leva subrepticement de son fauteuil d’osier pour lui souhaiter la bienvenue dans cette nouvelle journée et lui embrassa le front en guise de bonheur.
- Tu es bien matinal mon chéri. Mais qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’as l’air vaguement fatigué. Tu as mal dormi ? dit-elle en s’étirant de tout son long.
- Ne fais pas attention à cela. C’est vrai, je n’ai pas très bien dormi, mais cela n’a guère d’importance. Seule toi garde la vraisemblance de mes passions. Tu veux que nous aillions déjeuner ? Je t’ai préparé quelques délices.
- Ah oui ? C’est vraiment gentil.
- Et toi, as-tu bien songé ? Quand, je t’ai vu ce matin, allongée dans les charmes de tes rêves, je me suis rappelé combien tu étais belle dans l’innocence de ton sommeil…
- En fait, j’ai fais un rêve bizarre… J’ai rêvé de nous, mais surtout de toi. Nous étions séparés l’un de l’autre. Moi, j’étais enfermée au tréfonds de je ne sais plus quel endroit morbide, et toi, tu étais parti à ma recherche, pour me délivrer… Tu étais tout seul, et tu errais sans aucun soutien. Il n’y avait personne qui puisse t’aider. Seul avec toi-même.
Alexandre fut touché par ce que venait de dire Juliette. Il ressentait quelque chose d’ineffable, quelque chose qui pourrait laisser présager quelques rebondissements anodins dans sa vie avec sa dulcinée. Ce rêve apparaissait à présent pour lui comme le prolongement et la conséquence de sa longue nuit d’insomnie. Il devenait le dénouement des questions insolubles qu’il s’était posées pendant ces heures interminables.
- C’est drôle ce que tu me dis là. Moi aussi j’ai fait un rêve de ce genre. Et le livre que j’ai fini de lire parlait d’une histoire semblable… J’ai comme l’impression qu’il va se passer quelque chose d’important entre nous deux…
- Mais oui, nous allons nous marier !
- Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Certes, cela reste la plus belle chose qui puisse nous arriver, mais en réalité j’ai toujours aussi peur d’autre chose. J’ai réellement l’impression que nos vies sont gouvernées par une main étrange.
- Là, je ne te saisis plus. Et puis cela ne sert à rien de parler de ça. Allons plutôt déjeuner. Cela va refroidir…
- Tu as raison. Mangeons, nous discuterons plus tard…
Le soleil perdait de plus en plus de sa timidité. Il se montrait plus chaud, plus haut dans le firmament. Les plantes, les arbres dégageaient de plus en plus d’odeurs dans les airs. Les chants des oiseaux laissaient la place aux mélodies du vent s’infiltrant dans les feuilles des arbres. L’ombre se laissait submerger par l’aisance des rayons du soleil. Elle disparaissait à présent face à l’engouement de la chaleur intempestive de ce cercle jaune et diaphane, recouvert de troubles invisibles.
- C’est aujourd’hui une belle journée. Et si nous en profitions pour aller nous promener dans la campagne ou aller nous baigner dans la mer ? prononça Juliette avec la tartine de beurre à la main et la première bouchée dans sa bouche.
- Ma foi, oui. C’est toi qui décide. On fait ce qui te fait le plus plaisir. Pour ma part, je reste largement indécis. Les deux me feront plaisir et m’aideront peut-être à oublier les tracas qui m’obsèdent. Allons dans un premier temps nous baigner, nous irons ensuite nous promener…


33


Le soutien ?
Il n’existait plus et il n’en avait que faire. Jean se sentait seul et tellement faible face à ces montagnes qui s’acharnaient et se déversaient sur ses frêles épaules. Une seule chose lui permettait de garder la force qui l’animait depuis le début de son voyage : le rêve de retrouver enfin Perséphone. De toujours penser à leur première rencontre et à leur avenir l’aidait à faire front à tant d’animosités machiavéliques s’opposant à lui. L’idéal, l’utopie réaliste le faisaient marcher toujours devant, vers cet inconnu qui fait tant peur aux gens de ce bas-monde.
Seul ?
Il comptait tout de même réaliser ce qu’il possédait au plus profond de lui-même. Et ce n’était aucunement les obstacles pédants tentant impunément de l’en contourner qui arriveraient à le séparer de ses rêves les plus précieux.
Laissons la part d’humanité envahir le cœur de chacun. Ne le poussons pas dans les tréfonds de l’existence en le décourageant.
Jean se sentait vainement opprimé et désappointé. Cependant, plus personne ne pouvait à présent toucher son orgueil et ses idéaux. Plus aucune cupidité n’était assez forte pour l’envoûter et le contraindre à abandonner son embardée vers l’insouciance. Il ne soucierait plus que d’une seule chose : ses rêves et ses espérances. Et toute inutile naïveté égoïste croyant l’en faire démordre serait accueillie par un profond mépris et une touche de sagesse.
« Ils se plieront à moi, et jamais je ne baisserais la tête face à tant de haine, triste dans sa morosité. Je resterais moi, et ils ne parviendront jamais à m’en empêcher ».
Il se leva et se tourna au hasard vers une direction, il attendait un signe de Perséphone mais seul le vent froid et sec éveillait ses sens. Il décida d’emprunter un chemin sinueux situé en bordure de la forêt qu’il venait de traverser. Celui-ci menait vers une haute montagne emplie de verts, d’ocres et d’autres musiques.
Durant tout son voyage, il ne s’était reposé que rarement. Mais il sentait qu’une pause était maintenant nécessaire. Il sentait qu’il aurait encore besoin de beaucoup de force pour retrouver sa promise.
Maintenant il était persuadé que Perséphone se trouvait aux alentours de cette montagne. Il sentait sa présence. Alors, il la rejoindrait et tous deux s’aimeraient jusqu’à la nuit des temps…

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